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À l'origine

" Arrêter le voyage c'est mourir ", proverbe gitan

Samedi noir

Samedi 11 décembre 2010

Samedi 11 décembre 2010

  

Jérusalem, jour de Shabbat. Malgré le soleil matinal, le vent frais nous saisit. Dans les rues, les bâches des commerces gonflent et s'envolent, les armatures métalliques tintent allègrement. Nous traversons une dernière fois la vieille ville, nos lourds fardeaux sur le dos, mais à présent, le temps se déchaîne, pluie et vent nous cinglent le visage, nous tentons désespérément de nous frayer un chemin parmi la foule qui se presse sous abri. Vite, remonter jusqu'à la Porte de Damas, en prenant garde de ne pas glisser sur les pavés mouillés, et prendre un taxi pour la gare routière.

 

Mission du jour : rejoindre Eilat pour obtenir le visa égyptien.

Le chauffeur nous répète dans un anglais approximatif que la gare est fermée jusqu'à ce soir... L'avant-goût d'un déjà vécu nous fait réagir au quart de tour, sûres de nous, on ira à la gare routière, foi de Landaise et de Bourguignonne! Les rues désertes balayées par le vent et la pluie ne nous mettront pas en alerte et ce n'est qu'une fois devant les portes belles et bien scellées de la gare qu'il nous faudra nous rendre à l'évidence... à nouveau flouées par Shabbat! Nous remercions le chauffeur qui se propose bien évidemment de nous conduire jusqu'à Eilat.

Telles deux survivantes de je ne sais quel cataclysme, accompagnées de nos deux énormes mais néanmoins fidèles compagnons - nos deux gros sacs -, nous voilà devant la forteresse aux grilles enchaînées et cadenassées. Appels et cris inutiles, à l'intérieur tout est éteint, aucune indication non plus quant aux heures de réouverture, rien ni personne, à part quelques feuilles mortes jonchant le sol. Il est midi, on se cale dans un recoin pour s'abriter. Alors que nous commençons à lentement sombrer dans le désespoir, un jeune homme arrive comme par enchantement. Chargé de la sécurité, il nous explique que la gare n'ouvre qu' à 17h30, mais qu'en attendant, nous pouvons lui confier nos sacs, ils lui tiendront compagnie jusqu'à notre retour. Soudainement ragaillardie, je remercie ma bonne étoile et j'en viens à me demander si les miracles n'existeraient finalement pas dans cette cité qui en a vu bien d'autres.

Allégées, nous pouvons affronter à nouveau les bourrasques de poussière, mais seulement, la fin de shabbat est encore loin et la ville garde son aspect fantomatique. Les seules êtres que nous croisons sont les juifs orthodoxes, ayant pris soin de protéger leur schtreimel d'un plastique, se dirigeant d'un pas pressés vers le Mur des Lamentations!

Après une longue déambulation, c'est avec un plaisir inespéré que nous pouvons nous affaler sur la moleskine confortable du café tant convoité. Ce lieu, malheureusement froid et sans grand charme, nous aura au moins permis de tuer le temps au chaud et à l'abri...

 

Juif-rue

 

La nuit tombe, il est temps d'y aller. Les néons blafards s'allument dans le hall de la gare, les employés se mettent mollement en route tandis que nous trépignons rageusement dehors dans le vent glacial. Pas un regard ni l'once d'une quelconque empathie pour le petit groupe de voyageurs qui tente de faire bloc contre les portes d'entrée! La forteresse enfin prise d'assaut, direction le panneau des horaires, aucune indication pour Eilat, on se rue sur la guichetière qui nous annonce qu'il n'y aura pas de bus direct ce soir... La seule solution serait de rejoindre Tel-Aviv, un bus part dans peu de temps, une petite demie-heure d'attente pour reprendre une correspondance pour Eilat, arrivée prévue à minuit, oui c'est parti!  

Le bus surchargé nous dépose en gare de Tel-Aviv, après un très délicat contrôle des bagages - on ouvre, on fouille, on laisse les sacs ouverts de côté sur le bitume trempé, au suivant! - on s'achemine vers la billetterie. Derrière la vitre de séparation, l'énorme guichetier nous annonce froidement qu'il n'y a plus de place, qu'il n'en reste que pour le bus de minuit, arrivée donc prévue à 4h30 à Eilat, il est 19h30. À nouveau 5h d'attente en perspective! Étant donné qu'aucune salle de repos n'est à disposition, nous rejoignons les autres voyageurs vers la porte d'accès au quai.

Après quelques vaines tentatives d'évasion, pas d'autre choix que de rester stoïque et faire preuve de philosophie, Tweedle Dee et Tweedle Dum, nos deux débonnaires compagnons de route, 65 litres et 16kg chacun, sur qui nous pourrons toujours compter, nous serviront de postes d'observation. De bonnes odeurs de pain chaud émanant du stand de pizza à proximité créent un va-et-vient incessant. Les jeunes soldats s'y concentrent par groupes, bout de pizza dans une main, bouteille de soda dans l'autre, et lourde mitraillette pendant à leur épaule. Ceci ne colle décidément pas avec leur physique d'ados, leur sac à dos et accessoires dernier cri...

C'est ainsi que nous garderons de Tel-Aviv un souvenir défiant tout cliché, une attente épouvantable dans son hall de gare ouvert aux quatre vents, assises par terre enroulées dans un sac de couchage à grelotter, et ma pauvre July en proie à des accès de fièvre de plus en plus inquiétants! Après quatre heures à somnoler la tête dodelinante dans le bus, nous mettons enfin les pieds à Eilat, il est quatre heure et demi du matin. Il nous faudra encore chercher dans la cité endormie un endroit où se reposer un peu. Nous trouvons assez rapidement l'adresse de l'hôtel, accueil glacial mais au moins, nous avons une chambre, et même s'il faudra partager quelques ronflements, je ne tarde pas à rejoindre Morphée, qui me fera oublier les mésaventures de ce samedi noir.

 

En place quelques heures plus tard devant le consulat d'Égypte, aucun souci cette fois-ci, le visa nous est délivré dans la demi-heure. Dans le bus pour Taba, nous quittons Israël en longeant la Mer Rouge. Route symbolique car nous laissons derrière le continent asiatique pour pénétrer en territoire africain.

L'Égypte, l'aventure continue.

 

Jaffa-street

Jaffa street, Jérusalem

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